Bernadette la paroissienne
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- Quels journaux lisait-on au Café Français ?
Chronique hebdomadaire n° 21 - Dimanche 30 mars 2025 Aujourd’hui, je ne parlerai que du journal local, Le Lavedan. Bien qu’il soit le « Journal de l’arrondissement d’Argelès », la rédaction et l’imprimerie étaient à Lourdes, 8 rue Saint-Pierre, au chevet de l’église. Comme vous pouvez le lire en haut de la première page, c’est un hebdomadaire, sensé paraître le jeudi. Mais Henri Lasserre, qui écrira le premier livre grand public sur Lourdes, ironise : « Journal avancé qui paraissait habituellement en retard ». La première mention de ce qui se passe à Massabielle est datée du 18 février. Elle donne doublement raison à Lasserre. L’article mentionne - et c’est un des seuls faits qui soit à peu près exact - la troisième apparition, celle du 18 février : « ‘Ne pouvant rien pour moi sur cette terre, elle m’a promis une place dans le royaume des cieux, si je viens tous les matins, pendant quinze jours, lui offrir une prière dans ce même lieu’…. La jeune fille va, chaque matin, prier à l’entrée de la Grotte, un cierge à la main. » Puisqu’elle y va « chaque matin », nous sommes à quelques jours du 18 février. « Journal avancé », c’est-à-dire éclairé par l’esprit des Lumières. Sur ce point aussi, Henri Lasserre a raison. Tout le monde sait que, dans un journal, la première phrase est décisive. Celle du Lavedan est devenue une antienne pour les sceptiques : « Une jeune fille, que tout fait supposer atteinte de catalepsie... » Le lecteur du Lavedan serait bien en peine de définir la « catalepsie » et Bernadette impressionnera toujours, même ses contradicteurs, par son bon sens. Donc, sans rien savoir, le chroniqueur a tranché. Le numéro daté du 25 février mais qui mentionne des faits qui se sont produits le 1er mars décrit plus précisément la démarche de Bernadette. Mais comme le journal est « avancé », l’article se termine ainsi : « Bernadette est-elle malade, ou bien aurons-nous Notre-Dame des Grottes ? Tout nous porte à nous prononcer pour le premier de ces cas. » Le troisième article paraît après l’apparition du 4 mars, la dernière de la quinzaine, sans que rien de nouveau se soit produit. « Combien de personnes ont compris alors, mais trop tard, hélas ! le ridicule de leur démarche et déploré leur excessive crédulité. » Les mois suivants, Le Lavedan continue sa chronique sur les Apparitions. En septembre, il reproduit un article d’un confrère parisien attaquant Louis Veuillot et ses articles de L’Unuvers. Ironie du sort ! Par le jeu des successions et des relations familiales, Le Lavedan deviendra le Journal de Lourdes, dans lequel les chapelains écriront régulièrement, avec le sous-titre « Chronique hebdomadaire de la Grotte de Lourdes ». En 1898, il devient le Journal de la Grotte, avec en sous-titre « Publié par les Pères de l’Immaculée Conception ». Il n’hésite pas à imprimer qu’il est dans sa 50ème année, assumant le passé du Lavedan et la catalepsie de Bernadette.
- Le Café français
Chronique hebdomadaire n° 20 - Dimanche 23 mars 2025 Dimanche dernier, je vous donnais rendez-vous au Café Français, à l’angle de la rue de Bagnères. Au premier étage, se réunissait le Cercle Saint-Jean, rendez-vous des notables. Tout en étant catholiques, ils étaient un peu voltairiens, a priori incrédules à de prétendues apparitions. Ainsi pensa et ne cessait de proclamer, au nom de la science, le docteur Dozous : il ne se laissa ébranler que par le « miracle du cierge », le 7 avril. Il devint alors un propagandiste infatigable de sa nouvelle conviction. Mais auparavant, il arriva qu’un membre du club vînt témoigner de ce qu’il avait vu à Massabielle, et de son émerveillement. Ce fut le cas de Jean-Baptiste Estrade, contrôleur des contributions indirectes. Autant qu’il avait pu, il avait résisté à ses sœurs qui lui demandaient de les accompagner à la grotte. Il finit par céder. C’était le 23 février, jour de la septième apparition. Il témoigne : Au début des Apparitions, on ne s’entretenait au cercle de Bernadette et de ses révélations que pour en rire et donner essor à quelques pointes d’esprit. Je fus le premier à y introduire l’élément croyant. Dans ces premiers temps, le fait d’être allé à la Grotte constituait une défaillance, presque une honte. Au retour de ma visite à Massabielle, je savais ce qui m’attendait au cercle et je m’étais préparé à recevoir la bourrasque. Les quolibets, les ironies, les sous-entendus ne manquèrent pas, en effet, de se produire. Quand ces messieurs eurent épuisé leur verve, je me retournai à mon tour et leur dis : Quand il y a sur votre place exhibition d’animaux curieux, vous vous empressez tous d’y accourir, vous allez vous extasier devant un mouton à deux queues ou un roussin à quatre oreilles. Moi, je vais à Massabielle : j’y trouve un spectacle qui dépasse tous les spectacles. Permettez-moi, Messieurs, de vous soumettre cette question : de deux individus, dont l’un contemple des roussins et l’autre des tableaux qu’aucun peintre ne pourrait égaler, quel est celui des deux qui vous paraît le plus ridicule ? Le même jour, 23 février, paraît, semble-t-il, le premier article de journal sur le sujet : nous le lirons dimanche prochain. Une autre histoire est liée au Café Français. Elle est racontée par Etienne de Beauchamp qui fut longtemps président de l’Hospitalité. Sur la place du Marcadal, le vicomte de Roussy voit installés au Café Français deux Lourdais qu’il connaissait et qui, revenant d’un mariage, étaient en redingote et chapeau haut de forme : ceux-ci regardent Roussy avec étonnement. « Vous devriez bien venir m’aider », leur dit notre ami. Ils se lèvent aussitôt et tous les trois tirent et poussent la voiture jusqu’à la Grotte. Telle fut dans toute sa simplicité l’origine de l’Hospitalité.
- Que se passait-il en ces lieux ? Réponse
Chronique hebdomadaire n° 19 - Dimanche 16 mars 2025 1. Le château-fort, où logeait une garnison. Bernadette n’y est jamais allée. Le château comportait une petite chapelle où ont été rassemblés bien des éléments de l’ancienne église. 2. L’église Saint-Pierre, où Bernadette a été baptisée le 9 janvier 1844. Elle se situait à l’emplacement actuel du Monument aux morts. 3. Le cachot, rue des Petits-Fossés (sous-entendu : du château-fort). La famille Soubirous y réside depuis quelques mois à l’époque des Apparitions. Elle le quitte durant l’été 1858. 4. La maison Cénac, en face du Monument aux morts, actuellement inoccupée. C’est là qu’habitaient à la fois le commissaire Jacomet (interrogatoire du 21 février), la famille Estrade chez qui Bernadette se rend le 25 mars après-midi pour se faire expliquer ce que signifie l’Immaculée Conception, et l’abbé Pène, le défenseur le plus ardent, et même imprudent, de Bernadette. 5. La maison Claverie où demeurait le procureur Dutour, « de filandreuse mémoire » d’après l’abbé Peyramale. Bernadette y est interrogée le 25 février. Le lieu de sa comparution est la salle-à-manger de l’actuel presbytère. L’entrée se faisait par le 8, rue de Bagnères 6. Le presbytère où Bernadette se précipite le 2 mars pour remplir la mission qui lui a été confiée : « Allez dire aux prêtres... ». Le 25 mars, elle vient porter la réponse que le curé attendait : Aquero a dit son nom. 7. Le domicile de l’abbé Pomian était, semble-t-il, au-dessus de la pâtisserie, à l’angle de la rue de l’Eglise. Les prêtres étaient donc logés tout près de l’église Saint-Pierre, mais séparément. 8. Le Café français, à l’angle de la rue de Bagnères. Au Café français, rendez-vous des notables, on ne pouvait que tourner en dérision de prétendues apparitions : pensez donc, au 19ème siècle ! Nous irons la semaine prochaine y lire le journal.
- Quiz : Que se passait-il en ces lieux ?
Chronique hebdomadaire n° 18 - Dimanche 9 mars 2025 Vous reconnaissez le plan sommaire du centre-ville, à l’époque des Apparitions. La croix, à l’emplacement de l’église actuelle, permet de se repérer. Que désigne chacun de ces chiffres ? Au besoin, retournez le plan. Réponse dans la chronique de dimanche prochain.
- Les Enfants de Marie
Chronique hebdomadaire n° 17 - Dimanche 2 mars 2025 Quand Bernadette revient de Bartrès début janvier 1858, elle veut préparer sa Première communion. Mais elle sait aussi que la Première communion lui permettra de devenir « Enfant de Marie ». En 1830, rue du Bac, la jeune novice Catherine Labouré bénéficie de plusieurs apparitions de la Vierge Marie. Elle reçoit la mission de faire graver ce qui sera appelé la « médaille miraculeuse » avec la prière : « Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. » Bernadette portait cette médaille, que sa mère lui avait achetée à Betharram. La Vierge avait aussi demandé à Catherine Labouré de transmettre un message à son confesseur : « La Sainte Vierge veut de vous une mission.. Vous en serez le fondateur et le directeur. C’est une confrérie d’Enfants de Marie, où la Sainte Vierge accordera beaucoup de grâces. » Dès 1842, Mère Taupiac, supérieure des Soeurs de Nevers, qui sont présentes à l’hospice depuis 1834, fonde les Enfants de Marie à Lourdes. La « Congrégation » a son siège à l’hospice. L’Apparition de Massabielle est habillée comme les Enfants de Marie, si ce n’est qu’elle ne porte pas la « médaille miraculeuse » : elle ne va pas se prier elle-même ! L’Apparition ne serait-elle pas l’une ou l’autre des Enfants de Marie, décédée récemment : Antoinette Peyret ou Jean-Elisa Latapie, morte en odeur de sainteté ? Bernadette, quant à elle, se refuse à nommer la Dame, tant que celle-ci ne lui dit pas elle-même quel est son nom. Arrive le mois de mai. Spontanément, les fidèles se réunissent à l’église et, « armés de cierges », comme dit le commissaire, descendent en direction de la grotte et en remontent en chantant les litanies de la Sainte Vierge. Rue du Bac, la Vierge avait précisé : « Il se fera beaucoup de fêtes. Le mois de Marie se fera en grande pompe et sera général. » Les Enfants de Marie s’en donnent à coeur joie. Cela déplaît à l’autorité : « Ce scandale devait être arrêté et réprimé sur le champ. » Pour apaiser la situation, le curé Peyramale se rend à l’hospice où se tient la réunion des Enfants de Marie. Il ne leur interdit pas d’aller à Massabielle… Mais en silence. « Lorsqu’on devra y aller en chantant, nous y chanterons. » Après sa Première communion, le 3 juin, Bernadette entrera dans la « Congrégation » et, à son départ pour Nevers, elle demandera, « comme une faveur insigne », de toujours figurer sur la liste.
- Que célébrait-on à la paroisse pendant les Apparitions ?
Chronique hebdomadaire n° 16 - Dimanche 23 février 2025 Photo de Pierre VIncent La 18ème apparition, le 16 juillet, eut lieu le jour de Notre-Dame du Mont Carmel. Toutes les autres se situent dans le cadre du Carême et du Temps pascal. Selon les années, le calendrier liturgique de 1858 et le nôtre sont plus ou moins décalés. En 2025, le décalage est de seize jours. Si bien que la « quinzaine » s’achèvera, cette année, la veille du Mercredi des cendres. Revenons en 1858. Le 11 février, le diocèse de Tarbes fêtait sainte Geneviève. Comment se fait-il que cette sainte patronne de Paris et maintenant du diocèse de Nanterre, soit vénérée chez nous ? Si quelqu’un le sait, qu’il se fasse connaître. Le 11 était un jeudi ; la deuxième apparition a lieu le dimanche 14, dimanche de la Quinquagésime, ainsi appelé parce qu’il précédait Pâques de quelque cinquante jours. A cette époque, les trois dimanches qui précédaient les Cendres étaient le prologue du Carême proprement dit : les ornements étaient violets. L’évangile de la Quinquagésime contenait une annonce de la Passion. La quinzaine demandée par la Dame de Massabielle correspond à la durée de ce qu’aurait dû être la prédication du jubilé (voir chronique n° 10). Durant le Carême, trois jours étaient spécialement voués à la pénitence : les Quatre-Temps de Carême. En 1858, ils « tombaient » les 24, 25 et 26 février. Ce sont les jours où la Dame invite à la pénitence : « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! Priez Dieu pour les pécheurs. » Bernadette découvre la source le 25 et, le 26, aux messes paroissiales était honoré un des instruments de la Passion, la sainte lance, avec l’évangile correspondant : « Un des soldats, avec sa lance, lui perça le côté et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. » Deux fois durant la quinzaine, la Dame n’apparaît pas ; trois semaines se passent ensuite sans que Bernadette se sente appelée à la grotte : la Vierge elle-même lui a fait faire son Carême ! Le 25 mars, jour de l’Annonciation, la Dame livre enfin son nom : « Je suis l’Immaculée Conception », en écho à la parole de l’ange : « Réjouis-toi, pleine de grâce ! ». Le texte de l’évangile n’a qu’un seul mot pour dire que tout est grâce en elle. On pourrait dire : « Réjouis-toi, l’Immaculée ! » Le 4 avril, à l’église, Bernadette a sûrement vu le cierge pascal. Le mercredi 7, « quatrième jour de Pâques », comme l’on disait à l’époque, elle vient à la grotte avec un gros cierge. L’apparition dure, la cire fond, la flamme arrive entre les mains de Bernadette sans la brûler. Il est étrange qu’à l’époque, on se soit arrêté au « miracle du cierge », sans penser à la lumière pascale.
- Sur les pas de Bernadette
Chronique hebdomadaire n° 15 - Dimanche 16 février 2025 Pour descendre à Massabielle, il n’y a pas cinquante solutions en 1858. Sauf le 11, le 14 et le 22 février, Bernadette, venant du cachot, a toujours suivi le même chemin. Variantes - Le 11, Bernadette passe par le moulin de Savy, le canal étant presque à sec ; - Le 14, elle part de l’église où elle a fait sa provision d’eau bénite pour asperger l’Apparition. De la place du Marcadal à la rue des Petits Fossés, elle emprunte la rue Carrerette ; - Le 22, partant de l’école des Soeurs, elle descend le Pé de Pesqué, entre le château et le Gave, et aboutit au Pont vieux ; Les autres jours, quittant le cachot, elle trouve au coin de la rue le cabaret de tante Bernarde où elle a souvent servi. Descendant la rue du Baous, elle arrive à la porte du Baous qui enjambe la rue. C’est là qu’habite le garde-champêtre Callet qui, le dimanche 21 février, la conduira chez le commissaire Jacomet. Plus tard, il sera gardien de la grotte quelque temps. La voirie s’arrête au carrefour avec la rue de l’Egalité. Malgré tout, il faut bien continuer pour se rendre à la forêt. Le Bie Debat aboutit au Pont vieux. L’actuel eut certainement des ancêtres. Au temps de Bernadette, comme aujourd’hui, il possédait deux arches et un éperon sur la pile centrale pour calmer les flots en furie. Mais, en 1858, il présentait un dos d’âne très accentué. Les Sanctuaires financeront les travaux nécessaires pour l’aplanir et l’élargir (1870). Il sera encore élargi en 1932 pour permettre la circulation des tramways. Avant d’arriver à Massabielle, Bernadette traversait la Merlasse, marécageuse, puis montait la côte du Chioulet qui se prolonge par le chemin de la Forêt. Pour atteindre la grotte, il n’était pas possible en temps normal de passer par le moulin de Savy, le canal étant en eau. Il fallait se risquer dans le « casse-cou ». Le fermier des Espélugues exploitait la partie haute de la pente. En bas, un employé municipal, Layrisse, gardait les cochons. C’est donc à juste titre que le lieu s’appelait la « tutte aux cochons ». Très vite, les Lourdais s’ingénièrent pour rendre la pente moins dangereuse : les « lacets » datent de 1861, avant même la reconnaissance des apparitions.
- Le cachot
Chronique hebdomadaire n° 14 - Dimanche 9 février 2025 Dimanche dernier, nous avions laissé les Soubirous rue du Bourg. Ne payant pas le loyer, ils doivent partir et laisser en gage la belle armoire qui était leur seule richesse. Dans les premiers mois de 1857, ils sont recueillis par un cousin de Louise Soubirous, André Sajous. Depuis une dizaine d’années, il occupait l’ancienne prison qui avait été abandonnée à cause de son insalubrité. La porte qui donne sur la rue des Petits-Fossés a été conservée. Le couloir où se trouvent quelques souvenirs émouvants, dont la clé de la maison, conduisait à une cour avec des communs qui débordaient et un tas de fumier. Sur le couloir s’ouvraient deux pièces qui ne communiquaient pas entre elles : le passage a été aménagé en 2008. Le cachot était la deuxième étape sur le Chemin du Jubilé : le pape Benoît XVI s’y est rendu après être allé au baptistère. Des locataires habitaient sur la rue, les Soubirous sur la cour. Le « cachot » proprement dit consistait en une pièce de 16 m². André Sajous dit lui-même : « La chambre était noire, pas saine. » En mars 1858, deux médecins diront aux parents de Bernadette : « Ne restez pas dans cette maison, si vous voulez conserver vos enfants. » Vingt ans après les faits, André Sajous a l’honnêteté de reconnaître qu’il « n’était pas content » quand son oncle lui dit : « Puisqu’il sont sur la rue, il faut les loger. » Lui-même habitait à l’étage. Il avait cinq enfants et « j’avais compris que ma femme, très bonne, leur donnerait de mon pain ». Elle leur a même prêté quelques chemises et « leur donnait souvent quelque peu de pain de milloc. Les petits cependant ne demandaient pas. Ils auraient crevé plutôt. » Le soir du 11 février, la famille Soubirous dit la prière. A un moment, Bernadette se met à pleurer. Depuis le matin, sa mère est inquiète. Elle va demander conseil à la femme d’André, Romaine. Toutes deux consolent Bernadette. Par la suite, André Sajous fut un soutien pour Bernadette. Il était présent à Massabielle lors de plusieurs apparitions. Entre autres, le 7 avril, avec le docteur Dozous. Dans leur misère, leur déchéance, les Soubirous n’ont pas été abandonnés par leur famille. Ils quitteront le cachot, sans doute, en septembre 1858.
- Le Moulin de Boly
Chronique hebdomadaire n° 13 - Dimanche 2 février 2025 Elle n’a pas toujours vécu au cachot… Nous fêterons bientôt Notre-Dame de Lourdes, au jour anniversaire de la première apparition. Huit jours tard, ce sera la Sainte Bernadette. Il est temps de nous intéresser à la petite Bernadette. Or, pour connaître quelqu’un, il est toujours intéressant de savoir où il a vécu son enfance. Pendant ses dix premières années, Bernadette Soubirous, l’enfant aînée de François et Louise, habita au moulin de Boly où elle était née. Le moulin était occupé par la famille de sa mère depuis le 18ème siècle. François Soubirous devint locataire en 1852. Hélas, ne pouvant plus payer le loyer, il dut quitter le « Moulin du bonheur » en 1854. Même si le bâtiment a subi quelques transformations, l’état actuel est tout de même très évocateur, avec la meule et la pièce que l’on appellerait aujourd’hui « de séjour » au rez-de-chaussée. A l’étage, une chambre et le berceau, dit « de Bernadette ». L’ensemble, pour l’époque, était relativement confortable. Un de ses anciens propriétaires, Boly, avait été consul de Lourdes. Les Sanctuaires ont racheté le Moulin en 1985 et mené des travaux à plusieurs reprises (1988, 1994, 2008). En 1988, dans le cadre de l’année de la famille, le cardinal Gagnon inaugura le Moulin restauré. Sans trop de peine, la meule s’est remise à tourner en 2011, pour s’arrêter l’année suivante. La notice présentant les lieux est disponible en turc et en japonais. En français, elle est épuisée depuis trois ans. La congrégation des Filles de l’Église, qui assure l’adoration perpétuelle au Sanctuaire, veille sur le Moulin, en face de chez elles, rue Bernadette Soubirous. Entre 1854 et le printemps 1856, les Soubirous logèrent quelque temps à la maison Laborde, plus bas sur le cours du Lapacca ; puis à Arcizac où François aurait exploité un moulin, tandis que la famille habitait une « cabane » à proximité. Leur dernier domicile avant le cachot était la maison Rives, 14 rue du Bourg. Des déménagements si rapprochés montrent que la situation des Soubirous s’était dégradée à toute vitesse. Hélas, bien des situations sociales d’aujourd’hui permettent de s’en faire une idée. Mais il faut aussi se rappeler que Bernadette n’est pas née et n’a pas vécu ses premières années dans la misère.
- L’école des Frères
Chronique hebdomadaire n° 12 - Dimanche 26 Janvier 2025 En plus des instituteurs laïcs et des Soeurs, la Municipalité avait fait venir les Frères de l’Instruction chrétienne, « Frères de Ploërmel » à cause de leur origine bretonne ou encore « Frères quat’bras » à cause de leur tenue. La congrégation avait été fondée en 1817 par l’abbé Jean-Marie de Lamennais, le frère de Félicité, l’auteur de Paroles d’un croyant. Les Frères étaient arrivés en 1855, mais le vote n’avait été positif qu’à cause de la voix prépondérante du maire, Maître Lacadé, celui qui eut à gérer l’affaire Bernadette. Dans sa lettre de demande, le maire écrivait : « Je propose de doter notre ville d’une institution chrétienne, d’autant plus qu’elle sera appelée un jour à devenir l’une des principales villes du département, par suite de l’établissement d’une voie ferrée ». Elle n’arriva qu’en 1866. L’école fut mise sous le patronage de saint Joseph et accueillit 255 élèves. Les Frères n’étaient, au départ, que deux : le Frère Macchabée (drôle de nom pour un éducateur !) et le Frère Léobard. Ce dernier était créole et vécut jusqu’en 1916. Les rapports avec la Municipalité furent toujours beaucoup plus difficiles que ceux des Soeurs. Ils obtinrent un troisième poste à la fin de l’année 1855 mais un quatrième, en 1858, leur fut refusé : « Les Frères, on ne sait pas d’où ils viennent. » L’école ouvrit d’abord dans la Maison Dupont, rue de Langelle. En 1861, la Municipalité acheta pour eux une propriété, rue de Bagnères. Des Frères y sont toujours présents sans en avoir la direction. Au nom de saint Joseph a été adjoint celui du curé Peyramale.
- La rentrée des classes
Chronique hebdomadaire n° 11 - Dimanche 19 Janvier 2025 En janvier 1858, on ne sait pas exactement à quelle date Bernadette est allée en classe pour la première fois de sa vie. Mais, à quelques jours près, c’est maintenant : elle ne rentre de Bartrès que début janvier et, le 11 février, elle est déjà élève chez les Soeurs depuis quelques jours. Si elle peut aller chercher du bois c’est parce que le 11 était un jeudi et que, le jeudi, elle était en vacances. A l’époque de Bernadette, la population locale comptait 44 % d’hommes sachant lire et écrire et environ un tiers de femmes. Le cas de Bernadette analphabète n’avait donc rien d’exceptionnel. Cinq instituteurs enseignaient à l’école communale et un allié des Soubirous, Antoine Clarens, dirigeait une classe de Primaire supérieur. En 1834, la Municipalité avait fait appel aux Soeurs de la charité et de l’instruction chrétienne de Nevers. La congrégation, fondée au 17ème siècle, avait progressivement essaimé dans le Sud-Ouest, sa réputation étant excellente. La demande portait sur « trois sœurs propres à desservir l’Hôpital et à se livrer à l’enseignement public ». L’hôpital existait déjà mais les bâtiments ont été refaits avant l’arrivée des Soeurs. Ils forment le corps central de l’hôpital actuel, avec sa colonnade bien caractéristique. Sur place, vous vous rendrez compte qu’ils ont été surélevés d’un étage. La grande chapelle, sur la droite, n’existait pas. Sa construction a commencé alors que Bernadette était encore pensionnaire. Les Soeurs auraient bien voulu que Bernadette encourage les dons. Elle se contentait de dire : « Il y a un tronc. » Dans une chronique de juin prochain, nous visiterons la petite chapelle où Bernadette fit sa Première communion. Le mobilier liturgique a changé, mais le lieu est authentique. L’hôpital, qui est plutôt un hospice, comporte vingt-cinq lits. Pour les enfants de 2 à 7 ans, les Soeurs ont ouvert une « classe d’asile » où se trouvaient, en 1856, 301 garçons et 279 filles. Les garçons allaient ensuite chez les Frères de l’Institution chrétienne, « Frères de Ploërmel ». Quant aux filles, elles étaient réparties entre deux classes. L’une était payante et les scolarités contribuaient à financer l’hôpital. Bernadette entra dans l’autre, la classe des « indigentes ». D’élève, elle deviendra pensionnaire, puis s’intégrera à la communauté des Soeurs : elles étaient huit au moment de son départ pour Nevers, en 1866.
- Jubilez ! Jubilez !
Chronique hebdomadaire n° 10 - Dimanche 12 Janvier 2025 A Noël, comme tous les quarts de siècle, l’Église catholique est entrée dans une année jubilaire. En 1858, il était aussi question de jubilé. Le pape Pie IX avait demandé aux évêques de prévoir, à la date qui leur conviendrait, une période de trente jours pendant laquelle les fidèles pourraient bénéficier de l’indulgence plénière. Le jubilé biblique était l’occasion, tous les cinquante ans, de rendre la liberté aux esclaves. L’absolution remet les péchés, mais les péchés laissent des traces : l’indulgence est destinée à les guérir. Le 20 janvier 1858, par un Mandement (voir l’image), Mgr Laurence, évêque de Tarbes, transmet aux curés la consigne pontificale et associe « l’indulgence plénière en forme de jubilé » au Carême. Comment gagner l’indulgence ? Par les trois voies classiques : la prière, l’aumône et le jeûne. Que le jeûne procure les moyens de faire l’aumône et, si l’on ne peut pas faire l’aumône, qu’on prie davantage ! Deux phrases du Mandement font penser à ce qui va se passer à Massabielle, justement pendant le Carême. Le pape avait recommandé la prière pour vaincre les attaques contre la religion. La plus dangereuse, c’est celle qui consiste à dire que « la religion catholique a fait son temps ». Exactement ce que pensait un Lourdais sceptique devant ce qu’il entendait raconter : « Ce n’est pas au 19ème siècle qu’on va nous faire croire à ces histoires ! Nous ne sommes plus au Moyen-Age ! » Mais le plus frappant, c’est l’insistance de l’évêque sur les prédications pendant « deux semaines au moins ». Pour cela, que « les curés s’entendent entre eux et avec nos missionnaires (les Pères de Garaison) » pour trouver des prédicateurs et des confesseurs extraordinaires. L’abbé Peyramale s’était « décarcassé », mais n’avait pas trouvé. Il avait écrit à l’évêque en se demandant que faire. Et voici que la Dame de Massabielle demande à Bernadette si elle veut bien lui faire la grâce de venir à la grotte, précisément, « pendant quinze jours ». Quinze n’est pas un nombre symbolique : ce n’est ni une neuvaine, ni une quarantaine. L’abbé Peyramale constate, alors que la Dame ne s’est toujours pas nommée, qu’elle remplace avantageusement le prédicateur introuvable : il n’a jamais vu autant de monde à l’église et au confessionnal !















